mercredi 15 septembre 2010

Une boucle rondement bouclée

Début 2010, c'était la fête à Roger, qui raflait son 16ème titre en Grand Chelem, confirmant son statut de joueur en activité le plus couronné du tennis professionnel. Il nous avait alors semblé hors de toute atteinte, tout là haut dans son firmament des étoiles du tennis.


Aujourd'hui avec son 9ème titre majeur, Nadal est d'un point de vue purement mathématique, encore loin de ses illustres aînés, et peut faire figure de jeune espoir s'il se compare aux Federer, Sampras, Agassi, Borg ou Connors qui l'ont précédé - et le surpasseront encore longtemps au tableau d'honneur.... Mais ce neuvième titre a surtout un goût unique de plénitude, puisqu'il ferme la boucle de la réussite suprême aux yeux de tout joueur professionnel : obtenir les quatre Majeurs, sur tous les terrains, et de préférence consécutivement.
Le saint graal de la petite balle jaune, l'épine dans le pied de tous les leaders du classement ATP, qui bagarreront toute une vie pour y parvenir, en vain pour la plupart.

Nadal vient d'atteindre l'un de ses principaux objectifs, et galope vers d'autres records.
Il n'a que 24 ans.

Alors on dira ce qu'on voudra sur le style de jeu de ces deux champions, sur l'usure mentale supposée de l'un ou la puissance jugée suspecte de l'autre, sur leurs personnalités si différentes - qui par miracle ne les ont jamais opposés ailleurs que sur un terrain. On pourra comparer, comptabiliser, énumérer, guetter les différences et les faux-pas, décortiquer les attitudes et les petites phrases, tout salir par des jugements subjectifs ou tout idéaliser en faisant de nos joueurs les héros d'un roman épique. Mais jamais on ne parviendra à éteindre la lumière qu'ils dégagent, la persistance de la fascination qu'ils exercent sur nous, nourrie de sentiments aussi forts que la haine et l'amour, et le puéril bouillonnement d'émotions qui nous envahit à chaque nouvel exploit de ce "couple" magique.

Le soleil radieux s'est couvert quand Federer est parti prématurément du dernier tournoi. Un vent tout droit venu de Serbie a effacé ses deux balles de match, balayant avec elles nos lointains espoirs de rencontre au sommet. Un dauphin a remplacé l'autre, c'est la loi du sport de haute compétition, et la raison d'être de tous les champions. Mais tout cela s'est passé loyalement, chacun y a mis tout son talent et sa force, sa maturité ou sa fougue, et son énorme soif de vaincre. Et c'est bien la seule chose à ne jamais oublier.

Génie magnifique, volontaire précoce ou doué facétieux, tels sont Federer, Nadal et Djokovic, tous trois appelés à dessiner le futur de notre sport préféré. Chacun a su exister par lui-même mais tous sont complémentaires, et indispensables au tennis d'aujourd'hui.
Nous sommes les heureux témoins de leurs affrontements, et ne souhaitons qu'une chose, profiter encore longtemps de leur talent et du spectacle qu'ils nous offrent.
Mais sans les juger, ni condamner leurs ratages ou leurs failles, car nous n'en avons pas le droit. Ce sont des hommes, pas des machines à gagner. L'effort incroyable que leur carrière exige, nous le voyons dans leurs larmes, dans la victoire ou l'échec. Mais au fond d'eux-mêmes ce ne sont que de grands gamins costauds qui assument leur exceptionnel destin. En aucun cas des surhommes.

Alors vivons en toute quiétude cette période magnifique, admirons nos champions et remercions-les de la meilleure manière possible du spectacle qu'ils nous offrent : en rendant hommage à leur immense talent, tout simplement, et sans avoir un jour à regretter de ne pas l'avoir mérité. Car leurs carrières sont courtes, et nous laisseront trop rapidement nostalgiques de leur si belle jeunesse, dont - à notre plus grand bonheur - nous aurons tant profité.

JoL

P.S. : à lire également (et surtout !) sur Eurosport.fr, le très bel article de J&Co, "Nadal, la révolution permanente"
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